Entrevue avec Madame Laure Gaudreault lors du 35e anniversaire de la région de Montréal

Lors d’une fête célébrant, avec un an de retard, les 35 ans de la région de Montréal, le comité des arts a voulu rendre hommage à Laure Gaudreault en la faisant connaître. Angèle Gagnon, membre du comité a incarné Laure Gaudreault et la responsable du comité, Lise Labelle, jouait le rôle d’une journaliste qui interrogeait notre fondatrice. Le tout visait à mieux faire connaître Laure Gaudreault. Lise Labelle avait rédigé le texte avec la collaboration d’Angèle Gagnon. 

Pour visionner l'hommage à Laure-Gaudreault : https://youtu.be/L9brSyRLLd8
(crédit vidéo Hugues St-Pierre)


Bonjour à toutes et à tous, 

En ce 7 juin 2022, alors que nous célébrons avec un an de retard le 35e anniversaire de la région de Montréal, le comité des arts désirait souligner cet anniversaire d’une façon mémorable. Nous avons donc communiqué avec Saint Pierre qui veille sur madame Laure Gaudreault depuis 1975, et lui avons demandé de la libérer de ses tâches habituelles afin de lui permettre de rencontrer durant quelques heures, les membres de l’AREQ-Montréal qui célèbrent aujourd’hui le 35e anniversaire de leur région. 

Permission accordée. 

Je vais donc m’adresser à madame Gaudreault en votre nom et lui poser quelques questions. 

Lise – Bonjour, madame Gaudreault, je suis heureuse de vous accueillir en cette journée de festivités. Comment vous sentez-vous aujourd’hui, au milieu des membres de l’Île de Montréal réunis pour fêter les 35 ans de leur région? 

Laure G.- Je suis très heureuse de constater que l’AREQ-Montréal est en santé et que ses membres sont très nombreux à vouloir réaliser sa mission de défendre les droits des personnes aînées et de contribuer à l’établissement d’une société juste, solidaire et pacifique. 

Lise- Vous êtes originaire de la belle région de Charlevoix, je crois? 

Laure G.- Oui, je suis née à La Malbaie le 25 octobre 1889. 

Lise - Avez-vous étudié durant de longues années avant de commencer une carrière d’enseignante? 

Laure G. – Non. Nous habitions Clermont et à cette époque, il n’y avait pas d’école de rang dans notre paroisse. Alors c’est ma mère qui m’a enseigné jusqu’à l’âge de 13 ans. 

Lise – Et qu’avez-vous fait à 13 ans? 

Laure G. – J’ai fréquenté le Couvent des Sœurs de la Charité à La Malbaie. 

Lise – À quel âge avez-vous commencé à enseigner? 

Laure G.- À 16 ans, Aux Éboulements, après avoir obtenu un brevet d’enseignement en 1905. 

Lise – Quelles étaient les conditions de travail des institutrices rurales, à cette époque? 

Laure G. – en 1920, à l’école St-Cœur de Marie au Lac-St-Jean, je gagnais 200 $ par année et je devais chauffer le poêle à bois, faire le ménage, préparer les repas, aider au recensement, veiller les morts , écrire des lettres pour des analphabètes et si on se mariait, on perdait son emploi. 

Lise – Madame Gaudreault, qu’est-ce que cela vous fait de savoir que les enseignants et enseignantes d’aujourd’hui ont vu leur rémunération augmentée de beaucoup et que leurs conditions de travail ont aussi été améliorées? 

Laure G.- Cela me réjouit car l’enseignement est probablement le métier le plus important dans une société. Les gens qui le pratiquent, préparent les citoyens de demain. Si c’est important, il faut que ce soit bien payé et valorisé dans la société. 

Lise - Est-il exact que votre santé vous a obligée à prendre une pause de l’enseignement? 

Laure G. – C’est exact. L’enseignement c’est exigeant, surtout en milieu rural alors que nous avions des classes à degrés multiples. Alors en 1927, après avoir enseigné dans plusieurs localités du comté de Charlevoix et à Chicoutimi, j’étais épuisée. Mais il fallait quand même que je gagne ma vie. 

Lise - À quoi avez-vous occupé votre temps à compter de 1927? 

Laure G. – De 1927 à 1942, j’ai collaboré au journal Le Progrès du Saguenay. 

Lise - Quelles étaient vos fonctions au Progrès du Saguenay? 

Laure G. – J’ai été directrice de la page féminine et du Coin des enfants. Mais j’ai profité de ma tribune pour faire connaître les conditions de travail difficiles des institutrices rurales, les écarts de salaire avec les enseignants en milieu urbain et surtout les échelles de salaire différentes entre les hommes et les femmes, évidemment à l’avantage des hommes. 

Lise – Se pourrait-il que vous étiez déjà féministe à cette époque puisque vous étiez scandalisée par des salaires différents entre les hommes et les femmes qui faisaient le même travail. 

Laure G.- J’étais peut-être féministe sans connaître le mot, mais j’ai été très heureuse en 1967 lorsque les enseignants, avec le bill 25, ont eu des échelles de salaire qui tenaient comte de leur scolarité et de leur expérience, mais ne tenaient plus compte du sexe. 

Lise - On m’a dit que c’est durant votre période de journalisme que vous aviez commencé votre militantisme syndical. Est-ce vrai? 

Laure G. – Tout à fait. Je me suis souvenu d’un proverbe africain qui dit que « seul, on va plus vite, mais qu’ENSEMBLE, on va plus loin. » Alors, j’ai mobilisé un groupe d’institutrices et nous avons fondé, en 1936, l’Association catholique des institutrices de Charlevoix. Cette année-là, le Département de l’instruction publique avait fixé le salaire des institutrices à 300 $, mais le premier ministre, Maurice Duplessis s’était empressé de le réduire à 250 $, quelques mois plus tard. 

Lise – Je crois que M. Duplessis n’était pas très favorable à l’instruction? 

Laure G. – M. Duplessis comparaît l’instruction à la boisson. Il disait : « Il y en a qui ne portent pas ça ». Pour lui et certains décideurs de cette époque, l’instruction, c’était pour l’élite, surtout les garçons. Les filles n’en avaient pas besoin pour élever des enfants. M. Duplessis ne m’impressionnait guère et lorsque je me rendais à Québec pour défendre la cause des institutrices rurales et plus tard, les enseignants en général, il savait qu’il devait m’écouter. 

Lise – J’ai lu que vous étiez à l’origine de la CSQ actuelle. Comment cela s’est-il passé? 

Laure G. – Après la fondation de l’Association catholique des institutrices de Charlevoix, j’ai participé à la création de treize autres associations d’institutrices et j’ai aussi fondé un regroupement de ces associations : la Fédération catholique des institutrices rurales dont j’ai assumé la présidence jusqu’en 1946. Et je recevais un salaire, je suis donc la première syndicaliste rémunérée de l’histoire du Québec. 

Lise – Ça veut dire que vous avez commencé à vous inscrire dans l’histoire du Québec dès 1946, que s’est-il passé à compter de cette année-là? 

Laure G – J’ai contribué à l’unification des syndicats d’enseignants par la fondation de la Corporation des instituteurs et des institutrices catholiques du Québec, la CIC. Vous savez que l’enseignement a toujours été sous-payé, alors il fallait inclure toutes les personnes qui pratiquaient ce métier.

La CIC regroupe la Fédération des institutrices rurales, la Fédération provinciale des instituteurs ruraux et la Fédération des instituteurs et institutrices des cités et villes. J’ai assumé la vice-présidence de la CIC jusqu’en 1965. 

Lise – En 1965, nous ne sommes pas encore rendus à la CSQ, comment les changements sont-ils survenus? 

Laure G. -En 1967, la CIC est devenue la Corporation des enseignants du Québec et en 1972, nouveau changement de nom : la Centrale de l’enseignement du Québec (CEQ) puis en 2000 l’organisation qui avait au fil des ans, Incorporé des syndicats d’autres secteurs que celui de l’enseignement, adopte sa dénomination actuelle, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ).

Lise – À quel moment, avez-vous commencé à vous intéresser au dossier des retraités et pourquoi? 

Laure G. – En 1961, j’ai recruté 295 collègues retraités qui formèrent le noyau de l’AREQ. La pauvreté frappait alors les personnes retraitées de l’enseignement. Je me suis alors attaquée à un problème de taille : obtenir une retraite décente à ceux et celles qui, ont consacré leur vie à l’enseignement. Et j’ai obtenu gain de cause. La base de la pension a été relevée et surtout, toutes les pensions ont été indexées au coût de la vie. 

Lise – Bravo Madame Gaudreault. En quelle année, avez-vous obtenu l’indexation des rentes? 

Laure G. – En 1969, sous un gouvernement de l’Union nationale dirigé par Jean-Jacques Bertrand. 

Lise – Avez-vous été impliquée longtemps au sein de l’AREQ? 

Laure G.- De 1961 à 1974 

Lise – En terminant, madame Gaudreault, auriez-vous un souhait à formuler pour les membres de la région de Montréal qui célèbrent 35 ans d’histoire dans leur région et à l’ensemble des membres de l’AREQ dont l’association a eu 60 ans en 2021. 

Laure G.- Je souhaite à toutes les personnes retraitées de retrouver la pleine indexation de leur rente, le plus tôt possible, car on m’a informée que l’inflation fait encore des siennes et certaines personnes retraitées n’arrivent pas à joindre les deux bouts. 

Lise – Merci beaucoup, madame Gaudreault pour cette rencontre fort intéressante et très enrichissante.  Vous écouter, c’est écouter le récit de vie d’une femme qui a travaillé à la cause de l’enseignement à partir de l’âge de 16 ans jusqu’à un an avant son décès soit durant presque 70 ans. Vous êtes un modèle pour les éducateurs et les éducatrices. 

Vous savez peut-être que l’AREQ, en 1990, a créé une fondation qui porte votre nom et qui, cible 3 causes dont elle s’occupe : 

  • Les personnes retraitées dans le besoin;
  • La recherche médicale sur les maladies qui touchent les personnes aînées;
  • Des œuvres de jeunesse enregistrées ou des jeunes dans le besoin. 

Chers membres de l’AREQ-Montréal, 

Laure Gaudreault est décédée le 19 janvier 1975 à Clermont. Mais l’AREQ par le biais de la Fondation Laure-Gaudreault poursuit son œuvre depuis 32 ans et la région de Montréal contribue grandement à son financement, depuis de nombreuses années. Depuis 2015, Micheline Schinck est la coordonnatrice de la collecte régionale de la FLG. Elle mérite toute notre gratitude pour cet engagement bénévole 

Soyons généreux envers la Fondation Laure-Gaudreault, NOTRE FONDATION, qui continue l’œuvre de générosité et de bienveillance de notre fondatrice. 

Lise Labelle avec la collaboration de Angèle Gagnon 

Source : www.patromoine-culturel.gouv.qc.ca

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